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HISTOIRE DE LA MAISON DU TERRAUX : 1762 - 1831
1762-1763
Il
n'y a plus trace des biens immobiliers des du Terraux jusqu'en
1762 date à laquelle commencent de longs travaux entrepris par
Charles-Auguste du Terraux, petit-fils de Frantz et maire des
Verrières de 1760 à 1774, qui ne seront achevés qu'en 1771 par
Paul de Pourtalès.
Le
22 mai 1762 les autorités de Môtiers accordent à Charles-Auguste
du Terraux, "deux tiran en prix de taxe plus un pied de bois
gratis."
On
apprend par les archives de Boveresse (Arrêts 1748-1767) qu'une
rencontre est prévue le mardi suivant à 6 heure du matin, donc
le 7 juin 1762, entre les autorités de Môtiers et de Boveresse
d'une part et M. Charles-Auguste du Terraux "Mayre des Verrières"
devant la maison.
En
effet: " Monsieur le Mayre des Verrières ayant demandé à cette
communauté de même qu'à celle de Môtiers de pouvoir avancer sa
muraille du coin de bize et joran de 3 pied 4 pouce pour s'alligner
et donner plus de grâce à la rue et à son bâtiment, cette communauté
luy a accordé sa demande à la condition que ce qu'il retirera
sa muraille à l'angle contre la porte de la cour appartiendra
aux communautés, et que si la fontaine demande à être remuée aussi
bien ses utilités, Monsieur le Mayre sera obligé de le faire à
ses fraix au contentement de la communauté et que l'angle sera
coupé."
La commune de Môtiers donne son accord aux mêmes conditions le
10 juin 1762.
Le 29 avril 1763, ainsi que cela ressort des procès verbaux de
la commune de Môtiers, il est "Accordé à Mr Du Terreau au Bois
du Pays des honorables communauté scavoir: 10 pièce de bois gratis,
11 pièce en les payant 10 bz. chacune. Les gouverneurs lui en
ont marqué onze."
Le
20 mai 1763 dans un acte traitant d'une autre affaire, le notaire
Henri-François Guyenet mentionne "L'ancienne maison de M. DuTerraux
nouvellement rebastie..." On sait donc qu'entre 1762 et 1763,
date à laquelle on note en passant le séjour de Jean-Jacques Rousseau
à Môtiers (1762-1765), Charles-Auguste du Terraux a procédé à
d'importants travaux d'agrandissement.
1767
Revenons
un instant à la fontaine précitée pour remarquer tout d'abord
qu'il s'agit de la troisième fontaine du village, établie après
celle du Prieuré et celle des Six Communes, suivant en cela les
étapes de la formation du village, du Prieuré originel aux habitations
civiles.
Cette
fontaine a été recontruite en 1767 et ornée d'une inscription
morale dans le goût de l'époque par Joseph-Marie-Anne DuRey, écuyer
et seigneur de Morsan, Duc de Lorraine et de Bar.
Le
8 juin 1767 "la noble et honorable communauté duement assemblée
à la maison-de-ville s'est rappelée qu'elle avait résolu le 25
septembre 1766 de se faire reconstruire une de ses fontaine et
de l'orner d'une inscription morale tirée des Livres Saints, et
qu'une telle inscription ayant été demandée avec succès au sieur
Joseph-Marie-Anne Du Rey, ecuyer, seigneur de Morsan, membre de
la Société royale des sciences et des arts de Nancy...etc ; De
plus, il a été délibéré et arrêté que les deux gouverneurs actuels,
accompagnés de quelques anciens et preud'hommes, remercieront
le dit sieur Du Rey de sa complaisance et de son zèle patriotique,
et l'assureront que sa mémoire chaque jour plus chère sera plus
durable que les pierre du nouveau monument." (Arrêts et délibérations
de la communauté de Môtiers-Boveresse)
L'inscription,
aujourd'hui disparue, avait la teneur suivante :
De
tes biens éternels cette source est l'image
Daigne
bénir, Seigneur, notre pain et nos eaux,
Que
leur salubrité pour prix de notre hommage
Nous
préserve et nous guérisse de tous maux.
Jean-Jacques
Rousseau, dans sa seconde lettre au Mareschal Duc de Luxembourg,
écrit :
"J'ai
sous ma fenêtre une très belle fontaine dont le bruit fait une
de mes délices. Ces fontaines, qui sont élevées et taillées en
colonnes ou en obélisques et coulent par des tuyaux de fer dans
de grands bassins sont un des ornemens de la Suisse. Il n'y a
de si chétif village qui n'en ait au moins deux ou trois, les
maisons écartées ont presque chacune la sienne et l'on en trouve
même sur les chemins pour la comodité des passans, hommes et bestiaux."
1770-1771
Charles-Auguste
du Terraux vend l'immeuble en 1770 à Paul de Pourtalès qui terminera
les travaux l'année suivante après avoir obtenu de la commune
le droit d'acheter "de la pierre de Boveresse et cela pour
achever de batir la maison qu'il a acquise de M. le maire du Terraux"
(Archives de Môtiers, livre des arrêts et délibération N°9
p.261, 16 avril 1771)
Paul
de Pourtalès est né en 1735, d'une famille noble originaire de
La Salle (Languedoc) établie à Neuchâtel au début du XVIIIe siècle,
anoblie par le roi Frédéric II en 1750. Il fut membre du conseil
des Quarante en 1763 et du conseil des Vingt-Quatre en 1771, maire
des Verrières de 1776 à 1781, mort en 1821.
C'est
peut-être en raison de cette brillante carrière politique à Neuchâtel
qu'il vend l'immeuble le 29 novembre 1779 à Henry-Louys du Bois
de Dunilac.
1779
L'acte
du 22 novembre 1779 nous apprend que Paul de Pourtalès cède par
voie d'échange à Henry-Louys Du Bois de Dunilac, de Môtiers, justicier
et négociant, ffeu Abraham Du Bois (notaire), une maison située
dans le village de Môtiers avec jardin, vergers et dépendances.
Cette maison est échangée contre une autre à Colombier (rue Haute
n°12).
La
famille Du Bois de Dunilac est une famille bourgeoise originaire
de Môtiers-Travers, anoblie par le Roi Frédéric-Guillaume IV dont
un ancêtre plus ou moins mythique serait un chevalier gascon.
Henry-Louys
Du Bois de Dunilac a certainement continué les travaux entrepris
précédemment car le 26 juillet 1779, "Les deux honorables communautés
(...) ont accordé à Monsieur Dubois la permission d'acheter dans
les deux communautés dix à douze douzaines de planches." (Archives
de Boveresse, Arrêts, 1768-1794).
Essai de
reconstitution des travaux
Pour
l'état de la maison principale après ces travaux, nous disposons
de documents iconographiques et de plans relativement précis.
Le
registre de l'assurance incendie en 1810 indique :
"Habitation,
grange, écurie, remise et cave voûtée, 80 x 60 pieds. Une partie
de l'étage en pierre, majeur partie en bardeaux, reste en clavins."
L'intérieur
de l'immeuble principal devait correspondre à quelques détails
près à l'état dans lequel il a été vendu en 1954 aux frères Bobillier,
à savoir à celui d'un immeuble mixte comportant une maison de
maître et une maison villageoise à vocation agricole.
Les
propriétaires de l'époque possédaient également des terres agricoles
aux alentours dont le clos Grand-Jacques, situé en face de la
maison et qui fut pendant quelques années utilisé comme jardin
botanique.
Les
travaux qu'il a entrepris ont donné à la maison son aspect actuel
décrit par Jean Courvoisier dans son ouvrage "Les monuments d'art
et d'histoire du canton de Neuchâtel", tome III, page 90 comme
suit :
"La
maison de 20 m 20 sur 18 m 50 sans les annexes, a un rez-de-chaussée
et un étage de dix fenêtres cintrées, au midi. La façade principale,
à l'orient, a une division centrale surmontée d'un fronton, encadrée
de pilastres à refends ou creusés de tableaux ornés de lourdes
guirlandes. Porte et fenêtre cintrées et moulurées ont un cartouche
baroque à la clé; la seconde a un appui de fer forgé animé de
guirlandes. Les divisions latérales, de trois fenêtres cintrées
par étage, ne sont animées par aucun cordon ; seule de la pierre
de taille rehausse les angles. A l'intérieur, vestibule et cage
d'escalier frappent par leur ampleur inusitée ; Des festons de
stuc ornent les angles du plafond et le dessous du palier, alors
que des fers droits, entre deux rangs de postes espacés, forment
la balustrade. Un long corridor d'est en ouest dessert les pièces
à partir des vestibules, au rez-de-chaussée et à l'étage."
Dans
le fronton, on trouve un tableau de pierre de Boveresse vide réservé
aux armoiries. Nous émettons l'hypothèse que ce tableau était
destiné à recevoir les armoiries de Paul de Pourtalès, qui avait
acquis de la pierre de Boveresse en 1771 (Arrêts de la commune
de Môtiers, n°9, p.261) et qui fut propriétaire pendant peu de
temps.
La
façade sud comporte un rez-de chaussée et un étage de dix fenêtres
cintrées chacun.
La
façade nord, donnant sur la maison de Jean-Jacques Rousseau, constituait
la partie agricole de l'immeuble avec notamment l'entrée de la
grange, de l'écurie et d'un local à usage d'atelier avec une cheminée
importante, peut-être une forge.
La
façade ouest, remaniée
par la suite, devait vraisemblablement comporter une porte donnant
sur le jardin, au fond du couloir traversant, deux fenêtres à
main droite, un bûcher, une lessiverie à main gauche et, chose
remarquable pour l'époque, un local à usage de "bains".
L'entrée
de la maison, par la Grande Rue, donne dans un hall avec une cage
d'escaliers sur un plan carré au fond d'un vestibule, bordée d'une
balustrade d'escalier ayant des fers droits entre deux frises
de postes espacés. Au rez-de-chaussée et au premier étage, ce
hall donnait sur un long corridor de 24 mètres traversant d'est
en ouest distribuant l'entrée aux chambres, aujourd'hui coupé
par des portes pour des motifs pratiques.
Au
rez-de-chausée se trouvent au sud une cuisine avec une cheminée,
un four à pain et un des derniers cendriers existant dans le canton.
Le
cendrier servait à récupérer les cendres au fond et le charbon
de bois dans les grilles. Les cendres étaient utilisées à cette
époque pour faire la lessive.
La
plupart de ces cendriers ont été démolis avec l'apparition du
savon pour gagner de l'espace dans les cuisines.
La
cuisine communique avec la salle à manger dans laquelle se trouve
une cheminée en pierre de Boveresse, datant de la fin du XVIIe
début du XVIIIe siècle.
Au
premier étage se trouvait un grand salon, avec cheminée de marbre
ainsi qu'un bureau ou fumoir avec cheminée en pierre de style
Louis XV et un ancien poêle en catelles orné de scènes champêtres.
Bien que nous n'ayons trouvé aucune signature sur le poêle, nous
renvoyons à l'article
d'Hugues Jequier et à l'amusante homonymie à propos
des fabricants de poêles du Terraux et Du Bois.
suite : Maison du Terraux : 1831 à nos jours
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